Difficile de le croire, vu la tournure prise par la conduite de cette normalisation et les en dessous qu’elle cache. Comme son nom l’indique, un comité de normalisation est créé pour normaliser une situation dégradée et en proie aux conflits inextricables.
La mise en place de ce comité au Tchad, a suscité un grand espoir dans le milieu footballistique. Le casting réalisé par la FIFA et l’ex ministre des Sports, ROUTOUANG Mohamed NDONGA Christian, pour la composition de ses membres, fut bien accueilli. Il comprend : une avocate de renom et chantre du droit de l’homme, un jeune informaticien et représentant du Tchad à la Commission Jeunesse de l’Union Africaine, un ancien DG de la SNE et ancien président du Tout Puissant ELEC Sport de Ndjamena, et une ancienne députée.
Ce dispositif du football international est attendu un peu partout en Afrique comme une solution miracle. C’est après constat de la situation dans un pays, que la FIFA et la CAF définissent les missions, déterminent le mandat et confient la réalisation à un CONOR qu’elles auront nommé.
Les résultats obtenus jusque-là, n’ont certes pas normalisé la situation dans tous les pays concernés, mais semblent donner quelques satisfactions.
Le football tchadien est, lui aussi, pris depuis plus d’une décennie, dans une tourmente qui menace dangereusement son existence. Pour voir clair, une mission conjointe FIFA/CAF, effectuée du 12 au 15/10/2021 au Tchad, conclut finalement que, la procédure électorale de la FTFA du 12/12/2020, source de discorde et rupture avec le ministère des sports, ne répondait pas aux exigences règlementaires et statutaires, applicables aux associations membres de la FIFA.
Cette procédure est marquée par le manque flagrant de la commission électorale et de l’absence d’une véritable représentativité démocratique au sein du collège pour les élections, réduit à une poignée d’électeurs constituée par les 23 ligues provinciales.
La mission souligne que, si la procédure électorale devait être recommencée, elle ne pourrait être confiée à l’exécutif sortant et à la même commission électorale qui manque d’indépendance et d’objectivité. Elle indique en outre, que le cadre statutaire et règlementaire devrait être reformé avant les prochaines élections. Ce sont ces manquements qui justifient en somme, toutes les contestations et critiques formulées sur l’organisation de l’AG élective de décembre 2020.
C’est sur la base du rapport de cette mission que la FIFA et la CAF décidèrent de nommer un comité de normalisation au Tchad, conformément l’article 8, alinéa 2, des statuts de la FIFA. Ce comité dispose d’un mandat de 1 an qui prendra fin le 15 novembre 2022. Pour rappel, il est chargé de :
-gérer les affaires courantes de la FTFA ;
réviser les statuts et le code électoral de la FTFA, afin de garantir leur conformité avec les principes et exigences contenus dans les statuts de la FIFA, et veiller à leur adoption par l’assemblée générale de la FTFA ;
-élaborer avec l’aide de la FIFA, une convention de collaboration entre le ministère des sports et la FTFA qui définira les responsabilités et les objectifs de chaque partie ;
-agir en qualité de commission électorale pour l’organisation et la conduite des élections d’un nouveau comité exécutif de la FTFA, sur la base des statuts et du code électoral révisés.
Mais, force est de constater qu’au-delà de mi-mandat, le CONOR est encore resté aux affaires courantes. Sans doute que c’est la mission la plus exaltante, la plus spectaculaire, et aussi la plus visible médiatiquement. Ce n’est peut-être pas un hasard, si toute l’attention entourant ce 1er point, se trouve exprimée dans un slogan apparu curieusement dans l’invitation à la cérémonie de lancement du championnat national : « tous ensemble pour le renouveau de notre football ».
Pourtant, « le renouveau de notre football » ne figure nulle part dans le cahier des charges du CONOR, moins encore dans le programme laissé par le bureau sortant de la FTFA. Il n’est pas inscrit non plus, dans un acte express signé du ministre Mahmoud Ali SEID ou de la FIFA, conférant au CONOR, le statut et les prérogatives d’une fédération élue, jouissant d’une délégation de pouvoirs du ministère des sports du Tchad.
A vrai dire, un renouveau, ou une refondation comme on entend dire ça et là, ne peut pas être l’affaire de la FIFA. C’est surtout et avant tout, une œuvre voulue par la volonté des tchadiens. Il ne peut se faire qu’avec une large concertation de tous les acteurs, y compris l’exécutif fédéral qui sera élu et le ministère des sports. Ce sera alors l’occasion de tout mettre à plat, de laver le linge sale en famille et d’examiner lucidement tous les maux qui minent ce sport, notamment : structurels et infrastructurels ; de gouvernance et d’organisation ; de formation des cadres techniques, dirigeants et joueurs ; de recherche des moyens financiers, etc.
Les initiatives prises et les actions entreprises çà et là par le CONOR, relèvent pour certaines, de la souveraineté déléguée à la FTFA par l’Etat. Le fait d’assurer la représentation dans les réunions et rassemblements (sans pouvoir légitime de vote) à l’extérieur, décider de l’inscription des équipes nationales dans les compétitions internationales, distribuer des aides financières aux ligues, assurer l’organisation des championnats provinciaux et nationaux, etc., peuvent se justifier dans cette phase de normalisation. Mais, elles ne constituent nullement l’essentiel de ce pourquoi le comité est mis en place.
D’ailleurs, le CONOR ne sera pas jugé que sur la seule gestion des affaires courantes. Même si la réalisation de certaines actions bien ciblées, a réveillé l’enthousiasme dormant et suscité le sentiment national et patriotique pour soutenir les SAO aux préliminaires de la CAN 2023. Il ne le sera pas non plus, sur l’organisation de ce championnat dit national qui a pris l’allure d’une campagne autre que sportive. Ce qui justifie sans doute la ferveur ambiante dégagée par un public nombreux et jeune, qui semble retrouver le chemin des 2 stades de fortune de la capitale, dont les entrées sont gratuites.
Au bout du compte et en toute logique, il appartiendra à la FIFA et à la CAF, de juger et de valider les résultats obtenus, pas seulement sur les affaires courantes, mais sur l’ensemble des missions assignées au CONOR. Et, c’est seulement dans le cas d’entière satisfaction reconnue à l’équipe présidée par Mme MOUDEINA, qu’on dira que le CONOR a rempli sa mission et marqué son emprunte, un départ fondateur du football tchadien. Celui-ci lui témoignera ainsi qu’à ses membres une reconnaissance qui sera gravée dans son histoire.
Les velléités d’agir en solo, comme observé parfois chez certains membres, sont à mettre sur le compte d’une recherche de notoriété qui n’est pas dénué de tout intérêt. Mais, elles ont montré leurs limites quand il s’agit de jouer collectif pour maitriser une situation et résoudre les problèmes posés. Ces affaires courantes ont connu leur épilogue avec la clôture du championnat dit national. Elles ont même donné l’occasion à d’autres acteurs inattendus, de se joindre à l’euphorie de cette manifestation finale, qualifiée d’inédite et d’historique.
Maintenant que l’événement qui a servi aussi de « déclic » à l’année du sport annoncée par le PCMT est terminé, il reste un peu plus de 3 mois pour finir le mandat. C’est le moment de revenir au football tchadien dont les vrais acteurs doivent interpeler la FIFA et la CAF qui sont seules juges de cette normalisation, de porter leur attention sur la suite du mandat et de recadrer le CONOR en lui rappelant l’essentielle de sa mission. Autrement, la situation du football tchadien continuera de rester encore dans l’expectative.
BANGALI DAOUDA Boukar Bureau d’études et conseils en sport