The Great Green Wall (la Grande Muraille verte)The Great Green Wall (la Grande Muraille verte)

User icon Par Ibrahim Adam

Le long métrage réalisé par le brésilien Fernando Marez a pour tête d’affiche la chanteuse malienne Inna Modja. The Green Great Wall est le récit  cinématographique du projet pharaonique datant des années 70 et lancé officiellement en 2007 par l’Union Africaine. Son objectif : restaurer 100 millions d’hectares, et créer 10 millions d’emplois verts sur toute la largeur de l’Afrique, du Sénégal à l’Ouest jusqu’à Djibouti à l’Est (8000 km). Ce récit a pour porte-parole Inna Modja qui est en effet engagée en Afrique pour la protection de l’environnement, et particulièrement sur les problématiques liées à la zone du Sahel. Ambassadrice des Nations Unies, une de ses missions principales est de combattre le changement climatique et lutter contre la désertification auprès de la Convention des Nations Unies. Elle participe alors chaque année, à l’Assemblée générale de New York, pour prendre part aux discussions sur ces thématiques et combats. C’est à travers son regard concerné que nous voyons la « Grande Muraille verte.

Dès les premières images, le choix est assumé. Le réalisateur veut faire vivre le film à travers les sentiments et la vision d’Inna Modja, narratrice omniprésente et ce jusque dans le champ de l’image. Au risque de gêner le spectateur, ce procédé narratif permet, en contrepartie, d’établir un fil rouge très compréhensible et d’aborder les problématiques traitées de manière très humaine. Les premiers plans travaillés nous rappellent que le film est produit par le réalisateur de La Cité de Dieu. La chaleur musicale du documentaire se retrouve également dans l’image. Il s’agit rarement de simples illustrations, mais de démonstrations du vécu et des sentiments des interviewés. Le sujet du film touche alors le spectateur à travers les différents vécus, individuels (histoire de différents migrants) comme collectifs (famines d’Éthiopie).

Le documentaire The Great Green Wall est  un voyage artistique. Et cela notamment dans l’histoire de la composition de l’album The Great Green Wall à travers les pays et leurs différentes cultures musicales. Inna Modja nous introduit ainsi à ses collaborateurs tout au long du film : Didier Awadi au Sénégal, les Songhoy Blues au Mali, Waje au Nigeria et Betty G. en Ethiopie. Il s’agit de leur contribution à la Muraille verte. Un arbre de dynamisme et d’espoir, qui regarde vers le futur en prenant racine dans une histoire panafricaine. Dans ce documentaire, la musique est un élément qui permet de positiver. Elle permet à l’espoir de s’insérer entre plusieurs réalités fracassantes.

Une épopée panafricaine : musique à l’éloge des enfants du Sahel et d’une Afrique unie.

Le message du documentaire est clair. Il faut que les Africains comprennent que leur pouvoir est souvent « entre leurs mains et sous leurs pieds ». La cause nécessite d’être incarnée et c’est ce que souligne Monique Barbut, secrétaire générale à l’ONU : « Aujourd’hui la grande muraille verte c’est plus un sujet de fonctionnaires internationaux qu’un mouvement populaire. (…) notre espoir est que des gens comme vous embrassiez cette idée », adresse-t-elle à Inna Modja.  L’esprit du projet a été porté un temps par le leader panafricain Thomas Sankara, visionnaire notamment pour la lutte contre la désertification.  Le documentaire s’inscrit lui dans  un « artivisme ». La musique sert un combat. « La musique est le meilleur moyen de faire passer un message, du plus dur au plus doux », déclare le rappeur sénégalais Didier Awadi.

Le projet de La Grande Muraille Verte est souvent décrit comme une ceinture verte s’étirant à travers l’Afrique, de Dakar jusqu’à Djibouti. Mais en réalité c’est beaucoup plus. C’est un mouvement centré sur l’humain. Il a pour but de restaurer la santé de l’écosystème et les ressources naturelles du Sahel, afin de construire la résistance de la communauté vivant dans la région face à la sécheresse, d’améliorer la sécurité alimentaire et leur donner les moyens de créer de nouveaux flux viables de revenus. L’origine du projet remonte aux années 70, lorsque le Sahel a été touché par des périodes successives de sécheresse et que de vastes étendues de terres fertiles ont commencé à dangereusement se dégrader. Les principales raisons de ces dégradations sont les effets combinés de la mauvaise gestion des terres, du surpâturage, de la croissance démographique et de la nouvelle menace du changement climatique.

« La forêt précède les hommes, le désert les suit »

La région du Sahel est un haut lieu politique. Presque 80% des sols de cette région se sont détériorés, 33 millions de personnes sont en situation de pénurie alimentaire et les températures devraient augmenter de 3 à 5 degrés d’ici 2050. L’enjeu majeur que l’humanité va devoir affronter durant ce siècle est déjà visible ici : manque de nourriture et d’eau, changements climatiques, sécheresse, immigration et terrorisme international. La population du Sahel est en première ligne concernant les conséquences du réchauffement climatique avec 80% de sa population qui y vit et survit grâce à l’agriculture. Si les individus ne peuvent plus travailler leur terre, cela entraînera des millions de migrations depuis cette région. « La forêt précède les hommes, le désert les suit » résume Pape Sarr, directeur technique de l’Agence nationale de la Grande Muraille Verte au Sénégal. Pour que le Sahel soit encore vivable, il faut donc le reboiser.

The Great Green Wall s’inscrit dans la dynamique d’une Afrique unie et tournée vers le futur permet au spectateur d’établir un lien entre les problématiques écologiques et géopolitiques africaines.  Et cela en s’identifiant aux enjeux écologiques du Sahel. L’aspect chiffré dont se revêtit souvent la géopolitique est alors secondaire, pour s’attacher aux individualités qu’Inna Modja rencontre sur sa route. Et nous spectateurs nous comme compagnons de route. L’œuvre s’écarte d’une vision humanitaire réductrice. Les plans rapprochés sur les populations valorisent les individus qui construisent et construiront l’Afrique de demain.

Raphael Sendo Elota