Portrait : journaliste et homme politique, Mahamat Hissène, l’un des baobabs de la presse tchadienne est tombéPortrait : journaliste et homme politique, Mahamat Hissène, l’un des baobabs de la presse tchadienne est tombé

User icon Par Ibrahim Adam

Mahamat Hissène, est né en 1954 à Djeda’a Wadi Rimé. C’est dans cette sous-préfecture nomade de Batha Ouest qu’il a fait ses premiers pas à l’école. Mais comme de nombreux jeunes de son époque, il est attiré dès son bas-âge par les sirènes de la capitale. Il part à la conquête de Fort-Lamy (ancien nom de N’Djaména), en 1965. Le jeune Mahamat Hissène Haroun, très assidu à l’école, fréquentera le Lycée Félix Eboué, puis le Lycée Technique Commercial, où il décrochera le Bac B à 18 ans. Pour ceux qui le connaissaient à l’époque, disent de lui qu’il a un langage facile et très communicant. Et c’est tout naturellement qu’il opta pour le journalisme. Une prédestination. En 1972 donc, il est admis à l’Ecole Supérieure Internationale de Journalisme de Yaoundé (actuelle ESSTIC) avec comme promotionnel, entre autres Hourmadji Moussa Doumgor, défunt ministre de la Communication. Mahamat Hissène, lui, opte pour la presse écrite. Après ces trois années de formation à l’école « du métier mène à tout » et d’autres formations audiovisuelles au Canada et en France, il rentre au pays.

Dès son retour au Tchad, commence d’abord pour lui, cette vie folle de journaliste. Des immondices de la plèbe au salon d’orée des dirigeants, il fouine partout. Il sert d’abord à l’Agence Tchadienne de Presse (ATP) comme reporter. Mais il se fera vite remarqué par la qualité et la quantité de travail abattu. Très rapidement, il gravit des échelons et occupe le poste de directeur. Mais la guerre civile éclatera très vite et le pays est pris en otage par des factions rivales régnant en maîtres un peu partout.

Chacun a choisi son camp. L’émérite journaliste a pris clairement position pour les Forces Armées du Nord de Hissein Habré, par un éditorial titré « L’œil des jumelles » où il désignant l’ancien Raïs comme étant le leader naturel des populations du Nord et une partie des Moyo-Kebbiens. Ce même Habré qu’il servira huit années plus tard à la presse présidentielle.

MH (il signe ses papiers par cet acronyme) est le premier a lancé un hebdomadaire indépendant tchadien. Mais, Saba’a Yom ne dure que quelques mois. Par la suite, quand le pays a retrouvé son calme, il a dirigé tous les organes de presse publique (télévision, radio et ATP). Hissein Habré, qu’il a d’ailleurs servi avec dévouement le tenait à l’œil au moment où celui-ci vivait ces derniers jours de président de la République. L’indépendance d’esprit du journaliste commence par déplaire au Boss.

Trois années après l’instauration de la démocratie, il lance son deuxième hebdomadaire indépendant, Le Progrès. Il fer  a entrer le journal dans le paysage médiatique tchadien, le transforme en quotidien, cinq années plus tard. On le dit très proche du pouvoir. Le virus de la politique le gagne. Et il franchit le Rubicon en s’essayant à la politique. Ces détracteurs ne lui prédisaient pas un avenir promoteur à l’image de sa brillante carrière journalistique.

Mais futé, il se débarrasse de ses boulets quand il s’engage sur la scène politique à visage découvert. Le Chef de l’Etat, le Président fondateur du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), le défunt Maréchal, Idriss Deby Itno, lui fait confiance. Contre toute attente, il sera porté à la tête du parti au pouvoir. Commence pour lui une exaltante mais harassante mission. Il retrouve un parti émoussé par des luttes de clans, des intrigues et des lobbies inextricables. Un parti sans idéologie. Avec ultime conviction, Mahamat Hissène tente de changer les choses. Il est attaqué de toute part. Certains de ses camarades, même du Bureau Politique National, l’instance suprême du parti, qui lui font des crocs- à- jambe. Il résistera à tous les coups et micmacs et créera la surprise en se faisant reconduire à la tête du MPS. Tout puissant secrétaire général du parti au pouvoir, député et vice-président de l’Assemblée nationale tchadienne, le président Déby lui confie sa direction de cabinet en septembre 2006. C’est une autre pochette surprise que nous a  réservé le natif de Djeda’a, qui n’a pas fini de surprendre. Après son passage au cabinet, le Chef de l’Etat le nomme au gouvernement, au ministère de la Communication puis à nouveau, Directeur du cabinet civil.  Il fut aussi son directeur de campagne lors de la présidentielle de 2016. Rongé par la maladie depuis plusieurs mois, Mahamat Hissène, rendra l’âme ce mercredi 7 juillet 2021. Un baobab de la presse tchadienne vient encore de tomber.

Il a été inhumé ce soir au cimetière de Lamadji

Paix à son âme !