Pahimi Padacké Albert : « il y a des militants du MPS qui doivent leur place au sein du pouvoir que grâce à notre existence »Pahimi Padacké Albert : « il y a des militants du MPS qui doivent leur place au sein du pouvoir que grâce à notre existence »

User icon Par Ibrahim Adam

Le 11 septembre dernier, le Rassemblement national des démocrates tchadiens – Le Réveil (RNDT-Le Réveil) a soufflé sur ces 24 ans d’existence. L’occasion pour son président national, Pahimi Padacké Albert, ancien Premier ministre, de faire le bilan des 24 ans puis de revenir sur l’alliance qui lie sa formation politique au Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir. Du phénomène d’enlèvement des personnes contre rançon, il n’est pas passé par le dos de la cuillère pour dénoncer et appeler le gouvernement à prendre le sujet à bras-le-corps.  Des futures échéances électorales, il est pour des élections crédibles, transparentes et inclusives où le perdant doit féliciter le perdant. Des dix ans des députés à l’Assemblée nationale, il a exprimé son regret…

Comment se porte RNDT-Le Réveil 24 ans après sa création ? Quel bilan faites-vous ?

Merci pour l’occasion que vous me donnez pour faire le point sur le RNDT-Le Réveil, 24 ans après sa naissance. En effet, le 11 septembre 1996, des cadres Tchadiens se sont réunis pour lancer une formation politique, symbolisée par un coq blanc chantant. Ce coq blanc chantant appelle, comme rappelle notre devise, la nécessité des Tchadiens de se réveiller et se mettre au labeur. Vous vous rappeler que dans nos traditions, les hommes et les femmes se lèvent au chant du coq pour se mettre au travail. Et c’est ce symbole que nous avons choisi pour représenter notre parti. Ce rassemblement national des démocrates Tchadiens a prit comme objectif principal, le dépassement des clivages communautaires pour promouvoir les valeurs nationales. En tout, RNDT-Le Réveil voit ce qui peut unir les Tchadiens au-delà de ce qui les divise. 24 ans après, nous avons constatés que les Tchadiens de tous les bords, ont massivement adhéré aux idéaux de notre formation. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous sommes sans fausse modestie, le parti qui a le maillage territorial le plus complet sur l’ensemble du territoire du Tchad. Nous avons organisé notre 5ème Congrès, et là aussi, je rappelle que nous sommes peut-être la seule formation qui tient régulièrement ses assises statutaires. Au 5ème Congrès en 2019, nous avons constatés que le parti était organisé de la province jusqu’aux villages dans 21 régions du pays. Dans les deux autres régions, le parti à une présence que nous qualifions de présence symbolique puisque nous avons une cellule dans les chefs-lieux sans couvrir tous les villages. Ce que nous qualifions de présence symbolique. Ceci, pour vous dire globalement qu’après 24 ans, RNDT-Le Réveil a accompli presque son maillage territorial. RNDT-Le Réveil a participé à la consolidation de notre démocratie en participant à toutes les élections sur ses couleurs. Donc c’est un bilan satisfaisant que nous dressons aujourd’hui et nous voulons dire que chaque tchadien à sa place au sein de ce parti.

Pour beaucoup de Tchadiens, RNDT-Le Réveil est un parti qui accompagne le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) à atteindre ses objectifs…

C’est une façon de voir étant donné que nous sommes dans la vie politique. D’abord, depuis sa création en 1996, RNDT-Le Réveil n’a jamais été aux élections en liste commune avec le MPS. Nous avons toujours été sur nos listes propres aux élections législatives comme aux communales. La présidentielle, nous avons été candidat en 2006 et ce qui fait dire, ce que vous êtes en train de répéter, c’est qu’en cette circonstance de 2006, la rébellion armée menaçait le pays. L’opposition a donc boycotté l’élection présidentielle de 2006. Nous, au RNDT-Le Réveil, nous avons choisi de maintenir notre candidature à l’élection parce que, fondamentalement, nous sommes opposés à toute conquête au pouvoir par les armes. Nous privilégions, comme aujourd’hui d’ailleurs, la voie démocratique de conquête du pouvoir. L’histoire nous a donné raison, puisqu’au lendemain de cette élection, quand la rébellion était vaincue, nous avons vu les partis qui avaient boycottés cette élection, participer à la gestion. A partir de ce moment, c’est nous qui avions eu raison, pas ceux qui ont boycotté.

En 2011, nous avons été candidat à la présidentielle pour être deuxième au résultat final. Retenez que nous n’avons pas créé le parti pour accompagner mais pour conquérir le pouvoir. Nous ne pouvons pas conquérir le pouvoir sans participer aux élections. Nous avons un maillage territorial qui nous permet d’aller aux élections. En 2016, dans le cadre de l’alliance, nous sommes toujours membres de la majorité présidentielle, le président national de RNDT-Le Réveil a été sollicité pour le poste de Premier Ministre. Dans la foulée, l’élection présidentielle devait se passer effectivement. Ayant évalué la situation, le Congrès du  RNDT-Le Réveil a décidé que, le Premier Ministre de la République, il ne serait pas de bon ton d’être candidat face au président. C’est pour cela que nous avons soutenu la candidature du président de la République. Il a été élu pour un mandat qui est en cours… Nous ne sommes pas un instrument à la disposition de qui que ce soit. Nous sommes un parti autonome. Aussi, la presse est peut-être un peu loin de nous parce que nous, au RNDT-Le Réveil, nous n’avons pas fait le choix de communication tous azimuts. Nous avons plutôt choisi le travail de terrain. Mais sinon, depuis 2018, après le forum national inclusif, quel est le parti qui a posé le problème de fond de la république si ce n’est RNDT-Le Réveil qui de la majorité présidentielle !!! L’opposition ce n’est pas d’insulte primaire ! La presse tchadienne elle aussi va vite dans le sensationnel.  Nous, au RNDT-Le Réveil n’avons pas la culture d’insulte mais nous posons les problèmes de fond quand il faut les poser. Mais nous disions et répétons que RNDT-Le Réveil est dans l’alliance mais dans une alliance où les couleurs vont ensemble mais ne se mélangent pas.

Depuis plus de 20 ans, le phénomène d’enlèvement contre est décrié dans les deux Mayo-Kebbi. En tant qu’ancien Premier ministre, puis Président national de RNDT-Le Réveil et enfin natif de la région, qu’est-ce que vous avez fait ou en train de faire pour cette partie du pays ?

D’abord, en tant que fils de la région, je dirais que c’est une situation extrêmement déplorable. Et en tant que Premier ministre en son temps, j’ai pris le problème à bras-le-corps ce sujet où j’ai été rencontré mon collègue, le Premier ministre camerounais Philémon Yang pour que nos deux armées (tchadienne et camerounaise) mutualisent leurs efforts dans la lutte contre le phénomène d’enlèvement contre rançon. Parce que ces malfrats opèrent à l’intérieur du Tchad pour traverser aussitôt la frontière vers le Cameroun, et vice-versa à travers la forêt. La seule façon, de mon point de vue, d’éradiquer ce phénomène, était la mutualisation de nos forces. Ce mécanisme était mis en place, à mon départ, je n’ai pas trop compris pourquoi ce plan n’a pas fonctionné. Je n’ai pas les éléments d’appréciation de ce plan qui était mis en place entre mon collègue camerounais et moi après. En tant que RNDT-Le Réveil, je dirais qu’un parti politique n’a pas d’armées, un parti politique a des militants, il sensibilise. Nous sensibilisons nos militants à l’effet, que les populations locales ne se prêtent à un jeu de complicité puisqu’il y a des malfrats dans tous les milieux. Et là aussi, nous faisons en sorte que les malfrats qui seraient de cette région soient détectés et dénoncés. Malheureusement, ce phénomène continue à prospérer dans la région et c’est un drame contre cette population qui se saigne pour payer les rançons. Cette affaire d’enlèvement des personnes contre rançon ne recouvre pas la réalité de ladite affaire. Les terroristes de Boko Haram, de l’Etat islamique ont toujours prospéré par les enlèvements, les kidnappings contre rançon et nourrir le terrorisme. Je considère, personnellement, ce qui se passe dans les provinces du Mayo-Kebbi Est et Ouest aujourd’hui, relève du terrorisme combattu dans le monde entier. Le gouvernement tchadien doit prendre à bras-le-corps ce sujet comme un sujet de lutte contre le terrorisme. In fine, à quoi aboutira ce qui se fait ? Où va cet argent d’enlèvement contre rançon ? Est-ce que ce n’est pas le financement du terrorisme qui se déploie sur notre territoire comme un jeu ? Ce sont là les questions de fond pour lequel le gouvernement est régulièrement interpellé par RNDT-Le Réveil à l’effet de prendre le sujet au sérieux.

Quelle relation existe à l’heure actuelle entre RNDT-Le Réveil et le MPS ?

La relation qui existe entre nous est une relation d’alliance car cette alliance signée existe. Mais comme dans tous vieux couples, il y a des hauts et bas sinon l’alliance est là ! Il y a des militants du MPS dont le nom RNDT-Le Réveil est un programme politique et qui doivent leur place au sein du pouvoir que grâce à notre existence car si nous n’existeront pas, ils n’existeraient pas. C’est pourquoi vous constatez les agitations  de mise en scène de ralliement avec des cartes imprimées depuis N’Djaména. Mais nous, au RNDT-Le Réveil nous sommes serein et sûr de notre démarche et de notre base et aussi de notre alliance avec le MPS. Cependant, retenez qu’il y a des hauts et des bas comme dans tous vieux couples.

Les élections s’approchent à grand pas dont la présidentielle. Quelle est votre analyse de la situation politique du pays et dites-nous si votre formation politique est prête pour aller aux élections…

Nous au RNDT-Le Réveil, comme je le disais tantôt, nous ne nous agitons jamais. Nous regardons froidement les choses et apportons notre participation. Ce qui est sûr, et pour moi, il est regrettable que 10 ans après avoir confié un mandat à une Assemblée Nationale, ces députés, élus pour quatre ans, soient encore là sans donner la parole au peuple. C’est plus de deux mandats et c’est comme si, on vous missionnait pour un temps donné, et une fois arrivé au lieu de mission, vous vous octroyez une autre mission vous-mêmes sans vous référer à celui qui vous a envoyé en mission. Cela pose le problème de légitimité des députés et à l’Assemblée nationale, ça pose un problème de légitimité des lois parce qu’on vote les lois pour le peuple mais quand on n’a pas le mandat du peuple, on tombe dans l’abus de pouvoir, dans l’abus de confiance. Il est donc de notre point de vue, au RNDT-Le Réveil, il est impératif que le mandat des députés soient renouvelés. En même temps, la présidentielle arrive à échéance en 2021. Il faut que ces élections se tiennent. Mais, plus généralement, les élections ne doivent pas être une occasion de division des Tchadiens. Elles doivent être une occasion d’unité et de la célébration de la démocratie. Il faut aussi que les élections soient transparentes, inclusives pour que toutes les suspicions puissent être levées afin que le perdant salue le gagnant. C’est le combat que mène RNDT-Le Réveil.

Je vous ai dit que, nous considérons qu’au Tchad, sans fausse modestie, RNDT-Le Réveil est, le parti qui a le maillage territorial le plus complet, de la province jusqu’aux villages. Nous ne sommes pas un parti qui fait de la communication comme les autres mais un parti de terrain. Donc nous n’avons pas une préparation particulière pour telle ou telle autre élection. Il suffit qu’il y ait un calendrier d’élection pour que notre formation parte aux élections. Cependant, en fonction des élections, les assises du parti décideront de la conduite à tenir par rapport à telle ou telle autre élection. Mais sinon, et en attendant les assises, RNDT-Le Réveil est en ordre de bataille.

Seriez-vous candidat à la présidentielle d’avril 2020 ?

Candidat moi ? Ce serait prétentieux de dire que je serai candidat ! Nous sommes une formation politique qui a des structures dans tout le pays. Nous avons des cadres au sein du parti donc il ne me revient pas à moi de décider. Est-ce que le parti présentera un candidat, je n’ai pas de réponse. Et si le parti décidera de présenter un candidat, est-ce que ce serait moi ou un autre, je ne sais pas. Je suis le président du parti mais je ne suis pas le parti donc il appartient au parti de répondre à cette question.

Interview réalisée par Sabre Na-ideyam