Me Djomia Germain, président de la Chambre Nationale des Notaires du Tchad : “l’accès à la profession est désormais possible par voie de concours pour donner la chance à tout le monde”Me Djomia Germain, président de la Chambre Nationale des Notaires du Tchad : “l’accès à la profession est désormais possible par voie de concours pour donner la chance à tout le monde”

User icon Par Ibrahim Adam

Elu en 2019 pour un mandat de deux ans, Me Djomia Germain, président de la Chambre des Notaires du Tchad (CNNT), par ailleurs vice-président de la CAF en charge de l’Afrique centrale (organisation faitière des notaires),  vient d’être reconduit à la tête de la corporation. Il explique ici le progrès réalisé durant les deux années écoulées sur fond de crise sanitaire et économique, les difficultés rencontrées dans l’exercice de son mandat puis les perspectives d’avenir qui s’offrent à la jeunes Chambre Nationale des Notaires du Tchad.

Vous avez été élu président de la Chambre Nationale des Notaires du Tchad (CNNT), dans un contexte de crise économique en 2019. Vous venez d’être réélu la semaine dernière, cette fois-ci, dans un contexte non seulement de crise économique mais aussi et surtout sanitaire. Que peut-on retenir durant votre mandat écoulé ?

Nous avons été élus en 2019 pour un mandat de deux (2) ans et comme la pandémie de Covid-19 s’est invitée, nous n’avons exercés pratiquement qu’en plein temps, une seule année. C’est ainsi que les autres membres de la corporation ont jugé utile de me reconduire à la tête de la Chambre parce qu’en moins de deux ans, ce que j’ai eu à réaliser était satisfaisant. Et mes confrères se sont dits si seulement Me Germain avait une ou deux ans de plus, il allait réaliser encore beaucoup de choses d’où ma reconduction comme président de la Chambre Nationale des Notaires du Tchad (CNNT).

Pendant les deux ans où la Covid-19 est venue charcuter une grande partie du temps, nous avons eus à réaliser beaucoup de choses. La loi 22 a été adoptée et promulguée parce que la corporation était régit par décret n°630 au moment de sa libéralisation en 1996. Alors, pour se conformer aux autres organisations notariales de la sous-région, il faut le notariat soit régit par une loi. Donc c’est la loi 22 qui a adoptée et promulguée en avril 2019. Sous cette loi, beaucoup d’innovations ont été apportées. La corporation s’appelait l’Ordre des Notaires du Tchad (ONT) et pour se conformer à la sous-région, elle est désormais appelée la Chambre Nationale des Notaires du Tchad (CNNT). Sous notre mandat, beaucoup d’autres innovations ont été apportées sous cette loi. L’accès à la profession est désormais possible par voie de concours pour donner la chance à tout le monde parce que bien avant, les notaires donnent plus de la chance à leurs parents. Maintenant, tous ceux qui veulent faire carrière dans le notariat doivent le faire par un concours qui sera organisée par la CNNT sous la tutelle du ministère de la Justice. Il y a eu un autre décret portant augmentation des charges et un autre décret portant nomination des notaires à ces charges. Maintenant que la Chambre est régit par une loi, il doit avoir des textes d’application. Nous avons pu obtenir les textes d’application. Nous avons adoptés notre règlement intérieur qui a été entériné par un arrêté du ministre de la Justice, garde des Sceaux puis un arrêté portant modalités des concours d’entrer dans la profession de notaire puis un autre portant sur la carte professionnelle du notaire car l’ancienne carte était régit par décret 630. Aussi, je rappelle que nous avons obtenus un autre arrêté portant réglementation de transfert des charges et bien d’autres textes encore.

En ce concerne le recyclage des notaires tchadiens, nous avons eus à organiser la première édition de l’Université des notaires du Tchad qui a été un grand succès. Par la suite, nous avons organisé le séminaire sur la normalisation des actes notariés parce que vous conviendrez avec moi que les notaires sont sortis de différentes écoles de formation, des stages dans des différentes études notariales… Nous voulons donc harmoniser les textes pour que nos usagers ne se perdent pas. Nous avons fait en sorte que les notaires qui se désintéressaient des activités de la corporation réintègrent de nouveau.

Durant votre mandat, quelles sont les difficultés que vous avez eus à faire face ?

Naturellement, nous avons eus à faire face à beaucoup de difficultés. La plus grosse difficulté est surtout avec l’administration, avec le ministère de tutelle où il n’y a pas eu le respect de numerus clausus, c’est-à-dire, le ratio d’habitant par notaire. Généralement, c’est un notaire pour cent mille (100 000) habitants. A N’Djaména ici par exemple, nous sommes moins de deux millions (2 000 000) d’habitants. D’après les informations que nous avons eues, nous sommes environs un million six cent mille (1 600 000) habitants. Si on applique le numerus clausus, N’Djaména doit contenir seize (16), au plus vingt (20). Mais aujourd’hui, il y cinquante (50) charges créées. Ces charges amènent à clochardiser la profession parce que le notaire doit vivre normalement de son travail pour être à l’abri de la corruption. Quand y a trop de notaires et que ces derniers n’arrivent pas à joindre les deux bouts, je crois qu’ils ne sont pas à l’abri de la corruption donc susceptible de prendre un acte très illégal et le cautionner. C’est l’une des grosses difficultés que nous avons avec les autorités publiques. Et comme c’est déjà un décret, nous ne pouvons rien faire car il est déjà en vigueur et nous ne pouvons faire acte de rébellion. Mais ici, il est question de faire comprendre aux gouvernants qu’il ne faut pas encore rapidement créer beaucoup de charge comme c’est le cas mais attendre que la démographie augmente et l’économie trouve sa bonne santé avant de pouvoir créer d’autres charges.

Il y a aussi l’empiètement des autres institutions comme la mairie ou les agents de cadastre qui s’autorisent à dresser certains actes qui sont de la compétence des notaires. La mairie qui s’obstine toujours à dresser les actes qui ne sont de sa compétence. Aussi, une autre difficulté, ce sont les banques qui refusent certains actes dressés par les notaires. Par exemple, l’acte d’hérédité et l’acte de tutelle qui sont bel et bien des  actes relèvent de la compétence des notaires. Dès lors que les notaires dressent ces actes, les banques demandent à l’usager, au porteur de cet acte de présenter un certificat de non appel et de non opposition alors que l’acte de notaire tient lieu du jugement en premier et dernier ressort. Donc l’on n’a pas besoin d’un certificat de non appel et de non opposition pour un acte de notaire. Ces genres de difficultés, nous l’avons souvent.

Aussi, je déplore le manque d’engouement de certains notaires qui se désintéressent aux activités de la chambre, qui ne paient pas leurs cotisations mensuelles. Voilà en grosso modo quelques difficultés que nous avons eues.

Face à ce bilan et tous ces problèmes rencontrés, quelles sont les perspectives d’avenir ?

Les perspectives c’est de pouvoir accroître le domaine de compétence du notaire et de faire en quelque sorte que les actes qui sont établis et qui sont de la compétence du notaire ne puissent échapper à leurs compétences. Surtout, de lutter contre l’usurpation du titre de notaire et faire comprendre à certaines administrations les actes qui relèvent de la compétence du notaire pour qu’elles ne puissent pas non plus empiéter dessus. Aussi, continuer à œuvrer à maintenir et à garder l’unité, la cohésion dans nos rangs puis stimuler et galvaniser les autres à payer leurs cotisations car nous avons des obligations à l’international et sous-régional.

J’ai oublié de signaler qu’à l’international, le président de la Chambre Nationale des Notaires du Tchad que je suis est vice-président de la CAF, une organisation faitière qui comportent tous les notaires de l’Afrique. Donc il y a un président, et les vice-présidents des zones. Donc je suis le vice-président de la CAF en charge de l’Afrique centrale. Le notariat tchadien a été honoré par ma nomination.

Interview réalisée par

Sabre Na-ideyam