L’externalisation ou la sous-traitance du personnel par les entreprises au Tchad : une pratique à réglementer d’urgence par le pouvoir publicL’externalisation ou la sous-traitance du personnel par les entreprises au Tchad : une pratique à réglementer d’urgence par le pouvoir public

User icon Par Ibrahim Adam

L’externalisation, du moins une partie de la fonction RH, devient une pratique courante ces dernières années au Tchad. Cette pratique intéresse beaucoup plus les multinationales.

Il est vrai que l’externalisation offre l’avantage à l’entité de se libérer de certaines tâches fastidieuses et chronologiques telles que la gestion de la paie…, néanmoins, elle ne garantit pas la stabilité et la sécurité à l’employé recruté. Dans la plupart des cas observés au Tchad, l’entreprise qui souhaite recruter émet son besoin, la diffuse elle-même et se charge de la collecte et du dépouillement des candidatures conformément au profil recherché. Elle retiendra par la suite un candidat pour le poste. Cet après déroulement de tout ce processus de recrutement qu’intervient le rôle de l’organisme en charge d’externalisation. Il consiste à proposer un contrat de travail généralement à durée déterminé allant de 1 à 6 mois maximum renouvelable au nouvel employé en son nom en lieu et place de celui de la multinationale pour qu’il exercera. Les employés recrutés par ce canal ne bénéficient pas, le plus souvent, des mêmes avantages que ceux liés à la multinationale par des contrats directs et ne sont parfois pas déclarés à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) par l’organisme en charge d’externalisation. Cette pratique met ces employés dans une situation d’inconfort, car ceux-ci ne peuvent effectuer la moindre réclamation de peur que leur contrat soit résilié.

Le sens du mot employeur change de camps ici, du fait que l’employé n’est pas lié par un contrat avec la multinationale directement, mais plutôt avec l’organisme en charge d’externalisation. Une quelconque revendication de la part de l’employé recruté présenterait un risque de voir son contrat résilié à tout moment. Il arrive que des employés se plaignent de leur situation après 1 an ou 2 ans de service, l’entreprise leur propose une résiliation du contrat avec le sous-traitant et d’aller le faire signer un nouveau avec un autre qui traite mieux, et avec ce jeu de changement de sous-traitant, un employé peut se retrouver avec presque 8 à 9 ans de travail sur la base d’un contrat de sous-traitance à durée déterminée sans aucune proposition d’un contrat à durée indéterminée à l’employé comme le prévoit le code du travail en son article 59 qui dispose « le contrat de travail à durée déterminée est un contrat comportant un terme certain, fixé, d’avance et d’accord parties. Il est obligatoirement écrit. Sa durée ne peut excéder deux ans, renouvelable une seule fois. Toutefois, des contrats de courte durée peuvent être conclus et renouvelés plus d’une fois, à condition que leur durée totale ne dépasse pas deux ans ».

S’agissant de la légalité des opérations de placements, l’article 6 du décret 92-471 1992-09-10 PR/MFPT portant restructuration et changement de dénomination de l’Office National de la Main-d’œuvre (ONAMO) « L’office national pour la promotion de l’emploi (ONAPE) est le seul service habilité à procéder à des opérations de placement sur l’ensemble du territoire. Il peut néanmoins au terme de certaines conventions s’assurer du concours de certaines administrations et organismes pour développer une action partenariale. » et l’article 4 et 6 du décret 96-189 1996-04- 15 PR/MFPT portant déclaration obligatoire des embauches, des offres d’emploi et du personnel dans les entreprises au Tchad disposent respectivement : « tout employeur est tenu de notifier à l’ONAPE toute place vacante dans l’entreprise en indiquant la nature de l’emploi à pourvoir et la qualification professionnelle requise » et « l’Office National pour la Promotion de l’Emploi et ses bureaux sont seuls habilités à procéder à des opérations de placement sur l’ensemble du territoire.» De même que l’article 14 de la convention collective du 12 Décembre 2002 dispose : « Les employeurs font connaître obligatoirement leurs besoins en main-d’œuvre à la direction de l’Office National pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE) et affichent, pour information du personnel, les demandes ainsi faites qui précisent les emplois vacants les catégories professionnelles de ces emplois ».

La récente restructuration de la société Millicom Tchad ayant occasionné un contentieux entre celleci et ses ex employés lors du rachat de la branche Tigo Tchad par Maroc Telecom va encore plus conduire ses multinationales à user et abuser de cette pratique pour recruter des employés sans voix et facile à mettre à la porte. Au regard de ces dispositions, convenez qu’il est question de mauvaise volonté dans l’application des textes. Nous recommandons donc à l’Etat de diligenter des missions de vérification au sein de ces entreprises de placement, l’objectif sera d’avoir une assurance absolue quant au respect des obligations en matière du droit de travail, de déclaration et d’immatriculation des employés et l’ouverture de leurs droits aux prestations familiales auprès de la CNPS. Il incombe aussi à l’Etat à travers le ministère de la fonction publique, du travail et du dialogue social la responsabilité de se saisir de cette question et règlementer ou bannir cette pratique, actualiser le code du travail et l’adopter aux évolutions du monde et des modes de travail afin que les employés puissent retrouver leur dignité et exercer sans crainte des ruptures abusives des contrats de travail.

Hassan Allafouza Mahamat,

Auditeur comptable et financier

hassanallafouza@gmail.com