Depuis plus d’une décennie, les provinces des deux Mayo Kebbi Est et Ouest sont devenues des terreaux fertiles pour les bandits de grand chemin, qui y effectuent sans difficulté majeure des opérations d’enlèvements contre rançon. L’urgence d’endiguer le mal est reconnue de tous, mais l’inaction se montre prégnante quand il est question d’agir.
Tôt dans la matinée du 27 février 2023 à Lagon dans le département de El-Ouaya, une foule enragée constituée d’élèves, des commerçants, des agriculteurs etc. est sortie pour exprimer son ras-le-bol concernant le trop-plein d’enlèvements contre rançon, qui soumet la population à un véritable calvaire depuis des lustres.
La dernière opération en date, perpétrée par ces ravisseurs détestables est celle qui a emporté le nommé Gongné Wazou, dans la nuit du 23 février dernier à Bissou. La victime, âgée de 42 ans et père de dix enfants, a été enlevée chez elle, alors qu’elle dormait.
C’est d’ailleurs suite à cette forfaiture, que des jeunes sont sortis pour prendre d’assaut la préfecture de leur département ce 27 février. Il n’y a pas eu de casse ni une répression de la part de la police locale, mais les établissements scolaires ont fermé leurs portes toute la journée nous informe notre source.
Cette manifestation, c’était l’expression d’une exaspération généralisée d’une population désarmée face à une gangrène dont la nuisance fait l’unanimité, mais des actions concrètes pour la juguler tardent à venir. Le phénomène est devenu « tellement récurent, c’est même endémique » reconnaissait le ministre d’Etat, ministre conseiller à la présidence de la République Jean Bernard Padaré lors d’une tournée dans le Mayo Kebbi Ouest pour le compte de sa formation politique le mois dernier.
Au Dialogue National Inclusif, cette question a été débattue de long en large par la plénière mais c’est finalement une toute petite phrase laconique, qui a été consacrée sur le sujet dans le registre des résolutions : « lutter sans relâche contre les phénomènes d’enlèvement de personnes contre paiements de rançon et le trafic d’enfants ».
Rien qu’entre 2019 et 2020, les paysans, bien enfoncés dans une misère noire ont dû dépenser plus de 300 millions de Francs CFA dans les différents cas d’enlèvements afin de libérer leurs proches. En outre, le nombre des victimes qui ont perdu la vie ou subi des mutilations reste important. C’est dire que le phénomène est un véritable goulot d’étranglement pour le développement rural.
Certaines conjectures laissent entendre l’implication active de certains chefs traditionnels, dans ces pratiques obscènes.
Ceux-ci collaboreraient avec les malfrats moyennant des pourcentages conséquents lors des paies de rançons. Cette hypothèse est à prendre au sérieux. Sinon comment comprendre que les ravisseurs, dont certains traversent les frontières des pays voisins arrivent à rentrer dans les villages, cibler des victimes, les kidnappent et retournent dans leurs tanières sans être interceptés ? C’est en tout cas toute une organisation bien structurée, qui jouit d’un appui décisif et inlassable de certaines personnes placées au sein de la population.
Bien au-delà de la rhétorique et des décisions épistolaires, il sied de mettre en place des mécanismes et un dispositif sécuritaire qui seront à même de démanteler le réseau des malfrats, dans la perspective de les exposer à la rigueur de la loi. A l’aube d’une refondation tant espérée par les tchadiens dans leur ensemble, cette question mérite d’être résolue pour sortir les populations affectées de l’ornière.
Le Tchad refondé, c’est avant tout le Tchad où les tchadiens respirent la sécurité, l’assurance et la satisfaction d’être chez eux.
Narcisse Barka