Conflit éleveurs-agriculteurs: c’est le summum dans l’arrière-paysConflit éleveurs-agriculteurs: c’est le summum dans l’arrière-pays

User icon Par Ibrahim Adam

Les conflits éleveurs/agriculteurs redoublent d’intensité dans la partie méridionale du Tchad. En cette période de récoltes, la situation est devenue intenable. Des champs sont dévastés par des troupeaux de bœufs, de moutons ou de chèvres etc. C’est le nœud de ces conflits interminables qui endeuillent les populations.

Quatre morts et dix blessés dans la Tandjilé, six morts dans le Mandoul et de nombreux blessés, des maisons incendiées, des animaux portés disparus, tel agriculteur est obligé de payer telle ou telle amende parce qu’un bœuf est retrouvé mort dans son champ, une famille doit payer 5 millions FCFA, la “dia”, pour avoir tué un éleveur ou agriculteur etc. Ce sont entre autres des bilans sombres ou des informations qui nous parviennent chaque jour dans presque tout le pays. Ce sont des Tchadiens eux-mêmes qui s’entretuent parce que, la cohabitation est devenue difficile ces dernières décennies entre les communautés notamment agriculteurs-éleveurs. A qui la faute ? Difficile de répondre. La période la plus propice où ce conflit est difficile à gérer, sont ces mois de récoltes où les populations moissonnent le fruit de leur labeur. Des témoignages en provenance des zones rurales sont pathétiques. “Généralement, les agriculteurs pointent du doigt les éleveurs qui conduisent le bétail dans leurs champs sciemment pour les faire paître. Ce sont des tonnes de mil, de sésame, du coton et autres qui sont détruites. Et lorsque les agriculteurs veulent réagir, ces bouviers armés n’hésitent pas à tirer à bout portant sur eux. Parfois, c’est avec des flèches qu’ils attaquent et appellent des renforts. Il est difficile de maîtriser la situation”, explique un chef de village dans le département de Kouh Ouest, province du Logone Oriental, joint par téléphone. Il précise que chaque jour, les agriculteurs sont convoqués dans les brigades parce que des cadavres des bœufs ou de moutons sont retrouvés dans leurs champs. Ces bouviers ou propriétaires de bœufs viennent corrompre les chefs de brigade avec de l’argent. “Je suis malade et je n’étais pas au champ pendant une semaine. Mais les bouviers ont trouvé le cadavre d’un bœuf dans mon champ. Ils sont venus porter plainte à la brigade que c’est moi ai tué leur bœuf. La brigade m’a demandé de payer 750 000 FCFA parce que c’est dans mon champ que l’animal a été trouvé mort. J’ai donné une avance de 20 000 FCFA mais ils ont refusé et m’ont mis en cellule à Béboto où j’ai passé 10 jours avant de me libérer, le temps de chercher de l’argent pour payer cette amende. Nous souffrons à cause des éleveurs dans les villages”, témoigne une victime dans le département de Kouh Ouest, province du Logone Oriental.Ces témoignages qui donnent du frisson, relèvent des faits réels vécus dans les provinces par les citoyens alors qu’ils sont condamnés à vivre ensemble. Dans la plupart des cas, les chefs de brigade, des sous-préfets et même des chefs traditionnels sont impliqués dans cette situation pour avoir en retour de l’argent, des sacs de mil ou un mouton par exemple de la part des protagonistes. Les associations de la société civile, les hommes politiques et autres défenseurs des droits humains ont décrié ce phénomène mais rien n’est fait. Les Tchadiens continuent par s’entretuer et certaines personnes qui tirent les ficelles s’en gaussent éperdument.