
Deux communautés dont le même sang coule dans les veines se regardent depuis quelques jours en chien de faïence. Pratiquement sur pied de guerre, Anakaza et Naorma, c’est d’eux qu’il s’agit, sont prêts à en découdre pour une histoire banale et bancale de terre. L’Etat doit prendre ses responsabilités pour éviter un bain de sang aux conséquences fratricides.
En fin 2015 lors de sa visite à Ouadi Djedid, le Chef de l’Etat Idriss Déby Itno, sentant les prémices d’un conflit intercommunautaire, avait dit à la communauté Naorma de quitter Ouadi Djedid, qui est dans la juridiction de la commune d’Arada pour s’installer chez eux à Kouba Oulanga. A l’époque, ils sont installés à Ouadi Djedid avec l’intention de créer une commune Naorma. Suivant les instructions du Chef de l’Etat, ils regagnent Kouba Olanga et s’installèrent à 45 km de la bourgade, à Morounga, dans la province du Borkou. Dans le quartier Burkina qu’ils ont choisi, les Anakaza y étaient déjà.
Origine du conflit
Retenez pour l’histoire qu’entre les deux peuples, il y a une forte filiation. C’est dire que c’est pratiquement une même communauté. Le Canton Naorma est une fraction du Canton Anakaza. C’est en 1962 après des dissensions que le Canton Naorma fut créé. Depuis, même si des antagonismes existaient, les deux communautés vivaient en parfaite intelligence.
Selon une source, la communauté Naorma était un peuple d’éleveurs qui aimait faire la transhumance à la recherche de bon pâturage pour leurs bétails. « Ils étaient de passage ici avant l’indépendance. Après, ils étaient partis dans les dunes vers le Kanem avant de revenir à Ouadi Djedid puis à Kouba pour s’installer durablement», nous éclaire notre source.
« Au départ, ils ont érigé le quartier Burkina en commune avec quelques huttes. Pourtant avant eux, les premiers habitants de ce quartier étaient les Anakaza, une communauté proche des Naorma. Ils sont des cousins. En s’installant, les Naorma ont demandé à tous leurs cadres de construire des habitations solides. C’est ainsi que beaucoup ont commencé des chantiers de construction de villas modernes. Ils voulaient créer leur propre commune à 45 km au sud de Kouba Oulanga. Des géomètres ont été commis pour faire le bornage. Un forage a été également construit. C’est comme ça que l’autre partie a vu d’un mauvais œil ce qu’elle qualifie d’intrusion », nous renseigne encore notre source indépendante.
Mais sentant une implosion, le Gouverneur de la province a suspendu toute construction sur le théâtre de conflit qu’est devenu Morounga. C’est de là qu’est partie cette sourde guerre entre deux communautés très proches mais que des lopins de terre risquent de les faire imploser.
« Les esprits se surchauffent mais les gens doivent écouter la voix de la raison. Un conflit entre ces deux communautés sera fratricide. Le gouvernement doit prendre la chose en main sinon on assistera à un conflit intercommunautaire sanglant », conseille notre source qui a requis l’anonymat.
Des solutions à envisager
Selon les informations à notre disposition, les deux chefs de canton Naorma et Anakaza ont été convoqués par le Gouverneur de la province à Kouba Oulanga pour leur faire signer un document attestant que la terre appartient à l’Etat. Une initiative pour amener les deux communautés à enterrer la hache de guerre et à l’Etat d’imposer son autorité. Mais la communauté Anakaza aurait rejeté l’offre. Pourquoi ? On n’en sait rien pour le moment.
Selon des observateurs qui suivent cette affaire de près, le vrai problème est parti lorsque Morounga est érigé en commune à la faveur du nouveau découpage administratif. Depuis lors, les appétits électoralistes s’aiguisent.
« Si vous voulez la vérité, le fond du conflit est un calcul politique. C’est de visées électoralistes. Chacun veut s’approprier la commune pour imposer les siens aux élections législatives et communales. Il y a trop d’en-dessous et ce sont les hommes politiques qui sont derrières », nous situe une autre source.
Les réseaux sociaux mal utilisés
Cette sourde guerre, qui a de ramifications lointaines et dont les ficelles sont tirées par des mains obscures, pour quels desseins on ne sait, appelle à une réelle implication de l’Etat et singulièrement du Président de la République. Selon nos sources, le Chef de l’Etat suivrait de très près cette affaire. Une délégation serait partie de N’Djaména pour ramener les parties en conflit à s’asseoir et dialoguer pour une issue heureuse.
Cependant, la tournure que prend cette affaire sur les réseaux sociaux inquiète. Des membres de deux communautés tapis sous l’ombre à N’Djaména attisent ouvertement la flamme d’affrontements en lieu et place d’une solution pacifique. Au lieu d’utiliser les réseaux sociaux pour rapprocher les deux communautés, on assiste malheureusement à la diabolisation réciproque. Il est impérieux qu’un modus vivendi soit rapidement trouvé pour que les communautés sœurs fument le calumet de la paix. Sinon on assistera impuissant à une sanglante bataille rangée que personne ne souhaite et ne connaît l’issue.