
Après son passage à la tête du ministère de la Justice entre août 2000 et août 2001, Mahamat Ahmat Alhabo, reprend les rênes dudit ministère dans le cadre du gouvernement de transition après le décès du président Déby. Pour beaucoup d’acteurs judiciaires, son discours lors de la passation de service est une lueur d’espoir tant pour les acteurs judiciaires que pour les justiciables. Cependant, aura-t-il les mains libres ? Commentaire du secrétaire général du Syndicat des magistrats du Tchad, Djonga Arrafi.
Dans son discours de passation de service pour prendre les rênes du ministère de la Justice, Mahamat Ahmat Alhabo a été d’un franc parlé qui a ébloui toute l’assistance. D’abord, il a pris l’engagement solennel de ne pas s’immiscer dans le travail des juges. « Je ne donnerai aucune instruction en faveur d’un tel justiciable au détriment de tel autre. En retour, je serais intraitable avec les magistrats ripoux. L’inspection générale doit rester éveillée, alerte pour sanctionner sévèrement les indélicatesses », a-t-il prévenu, le mardi 5 mai dernier. Discours qui vaut son pesant d’or dans le milieu judiciaire. Selon le secrétaire général du Syndicat des Magistrats, Djonga Arrafi, c’est un discours qui donne de l’espoir tant aux acteurs judiciaires qu’aux justiciables qui ont perdu la confiance en la justice tchadienne. « C’est un intellectuel qui connaît le problème des Tchadiens dans la quête de la justice. Le malheur que nous vivons dans cette descente aux enfers dans la justice, ce sont les immixtions. Tous les gardes des sceaux qui se sont succédé ont pour domaine de prédilection l’immixtion. Y en a qui vont jusqu’à appeler les juges au siège qui sont indépendants, au terme des textes, pour leur donner des directives dans les affaires pendantes devant leur juridiction. Si un garde des sceaux dit qu’il ne s’est jamais immiscé dans une affaire judiciaire ce n’est que pire mensonge », affirme le secrétaire général du Syndicat des magistrats du Tchad. Et Djonga Arrafi de tacler même les chefs d’Etat. « Ils font pareils que les gardes des sceaux », ajoute-t-il. Il poursuit que le discours de l’actuel ministre de la justice dans le cadre de la transition de ne pas s’ingérer dans les affaires de la justice pourra rendre cette transition vers des grandes réalisations.
L’appareil judiciaire en panne
Le népotisme, le non respect des procédures civiles et pénales, la prise de partie dans les décisions judiciaires, le non respect des libertés, des droits fondamentaux et des devoirs, l’immixtion sont entre autres les problèmes qui minent l’appareil judiciaire tchadien. C’est dans ce cadre, rappelle Djonga Arrafi, que Mahamat Alhabo a solennellement demandé aux populations, aux groupes d’influences et autres faiseurs de décisions, à ses amis et à ses proches de s’abstenir de venir à la chancellerie solliciter une quelconque faveur judiciaire. Pour lui, les juges doivent rendre les jugements au nom du peuple et en leur intime conviction, la règle sacrée dans une juridiction, fondement d’une république. « Je n’ai jamais vu un garde des sceaux au Tchad qui a vigoureusement défendu les droits humains conformément à la Constitution de notre pays parlant de la présomption d’innocence. En ma qualité d’ancien parquetier, je me suis toujours opposé à la présentation des délinquants, je dis toujours que ce sont des frasques dont je ne participe ». Le ministre Mahamat Ahmat Alhabo s’est exprimé comme un véritable garde des sceaux et surtout en défenseur des droits humains. Pour Djonga Arrafi, en pointant un doigt accusateur sur les problèmes de l’appareil judiciaire, Alhabo veut que la transition dont le socle est l’union nationale entre les filles et fils du Tchad soit une réalité et non ce dont nous avons vécu. Rappelant les différentes Constitutions modifiées au Tchad, le secrétaire général du SMT trouve normal le questionnement de Mahamat Alhabo sur les libertés d’opinions, de manifestations qui ne doivent faire l’objet d’aucune condamnation. « En l’écoutant parlé, nous avons l’espoir en lui pour qu’il redore le blason et redonner à la justice sa lettre de noblesse. C’est un message d’une bonne justice que je qualifie de bréviaire d’une bonne justice. De ce fait, nous les magistrats nous sommes prêts à l’aider dans sa mission pour une justice équitable », rassure-t-il. Djonga Arrafi conclut par ailleurs que même si Mahamat Ahmat Alhabo n’aura pas la main libre pour mettre en application tout ce dont il a prononcé dans son discours, du moins, le fait d’avoir osé dire haut ce que beaucoup pensent bas sera marqué avec de l’encre indélébile dans les annales de la justice tchadienne. « Le fait d’avoir rappelé en théorie, à la population tchadienne, aux magistrats, aux juges, aux avocats, huissiers, greffiers, bref, au corps judiciaire leur travail, il a marqué des points. En ma qualité d’acteur judiciaire, je dis haut et fort qu’il y a trop de désordre à la justice. Pas seulement des faits qui sont exogènes mais aussi des faits endogènes. On a laissé champ libre à certains mais il est aussi temps que la justice retrouve ses lettres de noblesse dans ce contexte de transition, que les choses commencent par changer », rappelle-t-il.
Sabre Na-ideyam