2 février 2008 – la bataille de N’Djamena: il y a treize ans, les forces rebelles assiègeaint le palais présidentiel2 février 2008 – la bataille de N’Djamena: il y a treize ans, les forces rebelles assiègeaint le palais présidentiel

User icon Par Ibrahim Adam

Les rebelles, qui se sont emparés de la capitale tchadienne ce samedi 2 février 2008 menacent de donner l’assaut au palais présidentiel où se trouvait le chef de l’Etat Idriss Déby.

La rébellion tchadienne, qui encercle depuis samedi 2 février au petit matin le président Idriss Déby dans son palais à N’Djamena, envisageait ce jour d’attaquer le bâtiment présidentiel.
La capitale semblait sous contrôle de la rébellion en dehors du quartier de la présidence, Djambal-barh, où les tirs étaient en fin d’après-midi très sporadiques.
Des pillages ont été constatés dès leur arrivée. Plutôt le vendredi, le chef d’état-major de l’armée tchadiennne, Daoud Soumaïn avait été tué, à Massaguet, à 50 km au nord de N’Djamena, lors des premiers affrontements entre les rebelles et les forces gouvernementales. Depuis lundi, une colonne rebelle composée de quelque 300 véhicules pick-up pouvant transporter dix à quinze hommes chacun, a traversé le Tchad sur 800 km à partir du Soudan, où les groupes avaient établi leurs bases. Leur progression n’avait pas rencontré beaucoup de résistance jusqu’à vendredi vers la localité de Massaguet, à 50 km à vol d’oiseau au nord-est de la capitale, où l’Armée nationale tchadienne (ANT) est allée tenter de la contrecarrer. Le président Deby, chef militaire, était au front vendredi après-midi, mais a ensuite regagné N’Djamena.
En ville, la population, qui attendait une confrontation majeure depuis trois jours, restait terrée chez elle, comme la veille. Paris a appelé les quelque 1.500 Français résident dans le pays, dont 85% à N’Djamena, à “s’abriter dans leurs habitations et à ne pas sortir”. Il leur est en outre “fortement déconseillé pour l’instant de tenter de rejoindre l’un des points de regroupement de la communauté française ou d’effectuer tout autre déplacement”. L’armée française, présente au Tchad depuis 1986 avec les 1.100 hommes du dispositif Epervier a renforcé depuis vendredi avec plus de 100 soldats venus de Libreville, sécurisé les centres de regroupement et les grands hôtels de la capitale.
Samedi, le président nouvellement élu de la commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, s’est déclaré «très inquiet» et rappelé que l’organisation n’acceptait pas «de changements de gouvernement anticonstitutionnels».

Dimanche 3 février 2008

Cette fois, les rebelles ont décidé de concentrer leurs forces et d’attaquer par un seul axe : l’avenue Mobutu. Objectif : la radio – une déclaration à la nation est déjà prête – et la Présidence. L’assaut commence à 6 heures. Sous la violence de l’attaque, le char loyaliste posté depuis la veille doit faire machine arrière. À l’intérieur des locaux de la radio, les soldats sont à cours de munitions. Ils réclament du ravitaillement par talkie, mais les rebelles écoutent leur fréquence et s’emparent du bâtiment. Manque de chance, les combats provoquent un incendie. La radio est hors service.
Portés par leur victoire, les assaillants franchissent le rond-point de l’Union. À l’ambassade des États-Unis toute proche, c’est la panique. L’ordre d’évacuation totale est donné. Trois jours plus tard, le département d’État à Washington expliquera, sur un ton embarrassé, que la défense d’un bâtiment ne valait pas la mort d’un seul citoyen américain. Le choc entre les rebelles et l’ANT se produit quelques centaines de mètres plus loin, près de l’hôpital central. Face aux assaillants, le président Idriss Déby Itno a mis en place ses blindés et toute son artillerie lourde. Pour contourner ce verrou, les rebelles tentent une percée par le Grand Marché. Un hélicoptère de combat MI-17 les repère et tire à la roquette. Le marché prend feu et des centaines d’habitants du quartier se précipitent sous les balles pour piller les échoppes.
L’aéroport, sous contrôle français, devient alors un enjeu stratégique. Dans la matinée, les rebelles se fâchent. Ils menacent de tirer sur la piste si les hélicoptères continuent de l’utiliser. Les Français ne cèdent pas et font décoller leurs six avions de chasse pour les protéger d’un bombardement éventuel. À l’hôpital, le verrou de l’ANT tient bon. En début d’après-midi, les rebelles décrochent.
« La leçon de cette bataille, c’est que les pick-up ne peuvent rien contre un char d’assaut », reconnaît aujourd’hui Mahamat Nouri, un des chefs rebelles. En fait, les rebelles ont cru que l’essentiel des combats se déroulerait en terrain découvert, en brousse ou aux portes de N’Djamena, comme en 2006. Ils ne s’attendaient pas à une bataille en pleine ville, là où un char peut prendre une avenue en enfilade sans que les pick-up ne puissent l’attaquer par les côtés ou par-derrière. Manque d’imagination ? Peut-être Nouri, Erdimi et Aboud Mackaye ont-ils cru qu’il suffisait que leurs combattants entrent en ville pour qu’Idriss Déby Itno s’enfuie. « Je sais qu’il y a en ville un marché qui s’appelle Hissein-a-fui. Je ne veux pas qu’un jour on aille faire ses courses au marché Idriss-a-fui », lâche Idriss Déby Itno, au micro de nos confrères de Jeune Afrique.
Il est résolu à se battre. Mourir que de partir. Ce jour là, les rebelles venus du Soudan sont tombés sur un adversaire coriace, un stratège militaire.
S.N